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Marie Darrieussecq

Je suis la marraine du Réseau DES France, un réseau d’aide et d’informations aux victimes du distilbène. Dans ce cadre j’ai écrit la préface au livre Distilbène : des mots sur un scandale, de Véronique Mahé, Albin Michel, 2010

Jeanne Suspuglas fiction autour du distilbène sur un dialogue de MD © Phoebe Meyer
Jeanne Suspuglas fiction autour du distilbène sur un dialogue de MD © Phoebe Meyer

Ça commence, souvent, par le col de l’utérus. Un examen gynécologique plus attentif qu’un autre vous informe que votre col est « plat », ou « effacé » ou encore « inexistant ». La valse des mots commence. Vous êtes une jeune femme, vous avez quinze, vingt ans ou trente ans. Vous ignoriez peut-être, jusque là, qu’il existait un « col » de l’utérus. Le mot col ne s’appliquait qu’aux montagnes ou aux chemisiers. A vrai dire, vous ne pensez pas très souvent à votre utérus, sauf une fois par mois, si vous êtes sujette aux douleurs menstruelles.

 

A l’école on vous a appris qu’ « hystérique » vient du mot utérus.  Et un prof vous a peut-être cité la phrase d’Aristote « Toute la femme est dans l’utérus ». Vous ne le savez pas encore mais « col » et « hystérique » sont deux mots que vous allez entendre souvent.

 

Un jour, soit que vous ayiez des difficultés à tomber enceinte, ou des douleurs suspectes, ou des pertes bizarres – vous passez une radio. Une hystérographie. Vous voyez qu’il y a quelque chose derrière ce fameux col : c’est votre utérus. Et on vous dit qu’il a une forme anormale.

 

 

*

 

Nous, les filles DES, nous avons un utérus petit, en forme de T ou de Y. Un utérus normal est de la taille d’une quetsche (m’avait dit un obstétricien), avec une cavité centrale en forme de triangle isocèle. Un utérus DES serait plutôt du genre cerise, avec une cavité en forme de n’importe quoi.

 

Le corps médical dit de l’utérus « typiquement distilbène » qu’il est en forme en T ou en Y, mais cette image ne m’a jamais convaincue. Ces lettres sont symétriques, elle pourraient tenir géométriquement dans le cercle que Vinci trace autour du corps humain (masculin) : bras et jambes rayonnant en harmonie, comme un alphabet universel. Les filles DES, ce n’est pas ça du tout. Sur les radios des utérus distilbène, on voit des sortes de tortillons, des scoubidous longs et fins, un bras plus court que l’autre. Aucune trace d’un beau triangle, aucune lettre qui vous saute aux yeux, pas même de cavité franchement apparente. Les utérus distilbène me dont penser à des baguettes de sourciers.

 

Il m’est arrivé de survoler la Sibérie, pour me rendre au Japon. Tout était blanc, avec des fleuves qui jetaient de multiples bras vers la mer. Ils formaient des deltas tortueux, des entrelacs sombres, des écheveaux. C’est aussi cette image-là, en noir et blanc, que je surimpose aux radios des utérus DES.

 

*

 

Le distilbène s’appelle aussi le DES (c’est son nom international), ou le diéthylstilboestrol : ce nom-là, je n’ai jamais pu le mémoriser. Le nom DES se transforme en adjectif pour qualifier les personnes concernées : je suis une fille DES. Il y a aussi les mères DES, les pères DES et les fils DES. Nous ne sommes pas réductibles à cette particularité, mais le DES a déterminé une part de nos vies. Le DES fait littéralement partie de nous, physiquement et psychiquement. Il a affecté notre corps dans sa forme et son évolution: nous sommes DES.

 

Cela ne se voit pas. La marque est discrète mais profonde. Il est d’autant plus difficile de parler du DES qu’il touche à notre intimité génitale et sexuelle.

 

*

 

Parfois vous n’avez pas de règles. Ou presque pas, un filet de sang un ou deux jours par mois. A l’adolescence, ça vous arrange. A l’âge adulte, vous êtes terrifiée. Ou vous avez l’impression de ne pas être une femme. Ou vous vous dites que vous n’aurez jamais d’enfants. En fait, comme votre utérus est plus petit que la norme, sa paroi est moins étendue, donc il y a moins de sang tous les mois. Vous en venez à savoir ce genre de choses. Vous êtes rassurée, quand il y a des réponses. Mais elles sont rares. Très difficiles à obtenir.

 

Vous avez de telles douleurs menstruelles que vous en avez des nausées.

 

Vous avez été pubère à neuf ans. Ou à dix-huit.

 

Vous attrapez toutes les MST qui passent. Votre vagin vous démange après chaque rapport sexuel. Vous êtes constamment malade. Vous vivez votre sexualité comme une convalescence impossible.

 

Le gynécologue ne comprend pas pourquoi votre stérilet vous fait autant saigner, et tous les jours. Il vous dit que ça passera. Au mieux, il vous prescrit du fer.

 

Vous refusez de prendre la pilule, vous dites que vous ne voulez plus d’hormones, après le distilbène. La gynécologue vous rappelle les combats que les femmes ont mené pour l’obtenir, cette pilule. Elle refuse de vous mettre un stérilet, parce que vous n’avez pas encore eu d’enfant. Vous tombez enceinte, elle lève les yeux au ciel. De toutes façons, c’est une grossesse extra-utérine. Vous avez de la chance qu’elle s’en soit aperçue tôt, ou disons, pas trop tard. Comme vous saignez en permanence, ce n’était pas évident à diagnostiquer.

 

On vous diagnostique une G.E.U. Une grossesse extra utérine, vous explique-t-on. Vous n’entendez rien, tellement vous avez mal. C’était la nuit, un coup de couteau vous a réveillée. Ce n’était pas un cauchemar : vos draps sont gorgés de sang jusqu’au matelas. Votre compagnon s’est évanoui, ce qui fait rire l’infirmier qui vous prend en charge.

 

La G.E.U a été diagnostiquée trop tard et vous perdez une trompe de Fallope, vous apprenez le terme ce jour-là. Vos chances de tomber enceinte sont encore réduites de moitié. « Il était moins une », commente l’interne, ce qui veut dire, vous le comprenez plus tard, que vous avez failli y laisser aussi votre vie.

 

La douleur est tellement intense que vous ne voyez plus les chiffres pour composer le 15. On vous répond que pour les fausses couches, il faut se rendre à l’hôpital par ses propres moyens, et seulement si l’hémorragie est trop importante. Vous demandez des précisions sur la quantité, on vous dit « une à deux serviettes hygiéniques par heure ». Vous n’osez pas demander de quelle marque.

 

Vous avez 40,5° de fièvre au milieu de la nuit. Le médecin de SOS Médecin est perplexe, il pense à une appendicite. A l’hôpital, on vous diagnostique une péritonite, d’origine indéterminée. On soupçonne une salpingyte, on vous pose des questions sur votre fidélité conjugale, on cuisine votre mari. Vous avez subi un curetage quelques mois auparavant, mais tous les visages se ferment si vous suggérez un lien entre ce geste obstétrique et une possible infection. Vous renoncez même à évoquer le distilbène.

 

On vous dit que rien qu’au toucher, votre col évoque le distilbène. Vous embrasseriez presque cette gynécologue que vous avez trouvée au hasard, sur les pages jaunes. Elle au moins, elle ne nie pas l’évidence. Elle ne nie pas votre peur, votre malheur, votre douleur. Et ça va déjà mieux.

 

*

Vous n’avez aucun souci médical, vous vivez une sexualité aussi épanouie que le prescrivent les magazines, vous avez un ou six enfants, mais le distilbène pèse sur votre vie comme une épée de Damoclès. Vous vous trouvez des boules dans le sein, vous avez des maux de ventre inexpliqués. Vous avez usé tous les gynécologues de votre ville. Vous vous dites qu’ils ont raison, que vous devenez cinglée. Que le distilbène vous a rendu cinglée.

 

Vous sentez que vous êtes malade, mais personne ne vous croit, parce qu’avec vous, il y a toujours des problèmes « de ce côté-là ». Vous avez des pertes qui vous épuisent, qui vous dégoûtent, qui vous affolent. Vous insistez, vous changez de médecin, vous luttez contre vos propres doutes, n’importe qui deviendrait hypocondriaque avec le parcours que vous avez. On vous trouve un cancer de l’utérus.

 

Vous êtes amputée à vingt ans de la moitié de votre vagin, suite à un cancer qu’on qualifie de rare.

 

Vous êtes enceinte. C’est merveilleux. Un jour, c’est vers le deuxième ou le troisième mois, vous marchez dans la rue, ou vous faites la queue au cinéma, et vous sentez un liquide chaud descendre dans votre culotte. Bientôt il faut absolument que vous trouviez des toilettes. Vous vous videz de votre sang, des caillots de sang, comme du foie de veau qui tombe là, sur le carrelage, dans les toilettes d’un bistrot, d’un cinéma. Vous vous évanouissez. On défonce la porte, les pompiers vous trouvent dans une mare de sang. Aux urgences débordées de l’hôpital, on vous dit que c’est banal.

 

Vous avez déjà subi deux ou dix fausses couches, ou parfois encore plus. Vous n’appréhendez même plus l’horrible douleur physique. Ce que vous appréhendez, c’est le liquide chaud qui descend dans votre culotte. Ca peut arriver n’importe quand. Et quand ça arrive, votre cœur s’arrête. A l’échographie, parfois, le cœur du bébé bat encore. Vous le contemplez. On vous dit qu’il n’y a plus aucune chance, que le placenta est décollé à 75 ou 100%, qu’il n’y a plus qu’à attendre le cours normal du processus. On vous donne du Doliprane.

 

Vous vous dites que si cela vous arrive encore une fois, vous allez devenir folle. Parfois, vous le devenez.

 

Un jour, c’est vers le quatrième ou le cinquième mois, ce n’est pas du sang, c’est un liquide chaud et clair, de l’eau, du liquide amniotique. Vous voudriez tellement que ce soit n’importe quoi d’autre, une fuite urinaire, n’importe quel autre fluide de votre corps, mais vous savez déjà que c’est le bébé, que c’est la mort du bébé.

 

Un jour, c’est au sixième mois, vous allez d’urgence à l’hôpital, on vous met sous perfusion, vous restez couchée, on vous dit qu’on peut peut-être le sauver, que le liquide se refait, on prend d’infinies précautions, pas de visites, un monde stérile, des toilettes intimes faites avec des gants verts par des aides soignantes masquées, vous vous transformez en couveuse, vous comptez les jours, un de plus, un de plus, vous êtes tendue vers la maturation des poumons, du cerveau, vous devenez incollable sur le développement du fœtus, vous n’osez pas penser à un bébé, à votre enfant, à un avenir, vous n’osez pas choisir un prénom.

 

Un jour le fœtus sort – dans le monde insouciant on dit qu’il naît. Vous vous apercevez que c’est un bébé. Vous le nommez. Vous devenez parents face à une couveuse. Vous vous mettez à adorer la médecine. Vous vous en remettez entièrement à la pédiatrie. Ou bien vous haïssez, les puéricultrices, les techniciennes des bébés. Et vous n’en pouvez plus des médecins.

 

Un jour le fœtus sort. C’est un garçon. C’est une fille. Il ou elle meurt dans les minutes qui suivent cette naissance. Il ou elle pèse cinq cent, six cent ou sept cent grammes. Il y a encore quinze ans, vous n’auriez pas eu le droit de le ou la voir. Aujourd’hui, on vous y incite parfois lourdement.

 

On vous demande si vous souhaitez l’enterrer.

 

Il ou elle a crié. Vous ne saviez pas qu’il ou elle a déjà une voix. On lui accorde une chance. Le tout petit corps est équipé de tubes, de tuyaux, d’électrodes et de fils dont vous vous dites qu’ils pèsent plus que lui.

 

Vous surveillez les engins. Vous vivez au rythme des pulsations cardiaques et du taux d’oxygène.

 

Vous entrez dans un rythme. Votre compagnon reprend le travail. Vous savez vous désinfecter les mains, vous équiper de la blouse et du masque, mettre les sur-chaussures et le bonnet avant tout. Vous connaissez les infirmières et les puéricultrices par leur prénom. Vous avez un peu peur de la pédiatre en chef.

 

Vous ne parvenez pas à aller le ou la voir.

 

De tout le couloir de la maternité, vous êtes la seule à ne pas avoir de berceau dans votre chambre.

 

Vous lui chantez des chansons jour et nuit. Cela fait deux mois qu’il est dans sa couveuse, mais vous ne parvenez pas à être nulle part ailleurs. Vous passez votre vie en sur-chaussures. Vous attrapez une mycose aux orteils.

 

On vous propose une chambre juste au dessus, à la maternité. Il y a de la place en ce moment. C’est à titre exceptionnel, mais vous avez l’air tellement fatiguée.

 

On vous reçoit comme un chien dans un jeu de quilles. On vous interdit de prendre le bébé dans vos bras. Vous avez peut-être lu c’est bon pour son développement ? Ca gène le service.

 

Vous désespérez d’avoir la permission de l’allaiter.

 

Votre enfant a une hémorragie cérébrale. On lui diagnostique une infection pulmonaire. Vous attendez les résultats de l’opération.

 

A quatre ans votre enfant né à six mois de grossesse a très bien récupéré de son épreuve. Mais il porte des vêtements de taille deux ans.

 

A dix ans il a des problèmes pour apprendre à lire.

 

Vous dites « distilbène » et bien souvent, le membre du corps médical auquel vous vous adressez vous regarde comme si vous étiez folle, ou une emmerdeuse en puissance. Au pire, vous êtes une ennemie.

 

*

Vous avez pris du distilbène quand vous étiez enceinte de votre fille, celle qui ne peut pas avoir d’enfants. Vous voudriez être morte.

 

Votre fils est schizophrène et vous avez lu sur Internet une étude qui laisse penser que le distilbène est peut-être en cause. Vous envisagez un procès.

 

Votre fille en est à sa quatrième FIV. Vous n’avez jamais parlé de ces choses-là avec elle. C’est votre femme qui lui a dit, pour la puberté, les règles et toutes ces choses. Qui lui a dit aussi pour le distilbène. Vous avez toujours du mal avec ce mot-là. Vous voudriez tellement être grand-père. Quand votre autre fille a subi cette opération pour lui agrandir l’utérus, et que les parois se sont collées l’une sur l’autre, et qu’il a fallu la réopérer, vous aviez ce désir fou d’être à sa place, vous vouliez prendre cette douleur sur vous, dans votre ventre à vous, vous vouliez saigner à sa place. Vous êtes tellement, tellement en colère.

 

Quand votre fils est né avec un testicule nettement plus petit que l’autre, et une verge que vous trouvez bizarre, vous vous êtes efforcé de ne pas y penser. Il est encore tout bébé. Chaque fois que vous changez sa couche, vous posez vos yeux ailleurs. Il cherche votre regard. Vous vous rendez compte que vous changez toujours sa couche en silence.

 

Vous l’avez rencontrée il y a deux jours ou trois ans. Elle vous parle de ça, vous entendez le mot pour la première fois, ou une sœur, une amie, un article, vous avait tenu au courant, mais voilà, maintenant la femme dont vous êtes fou amoureux vous dit qu’elle est (en plus d’être blonde, brune, ravissante, intelligente, épatante) une fille DES. Qu’il est possible qu’elle ne puisse jamais avoir d’enfant. Vous n’avez pas parlé d’enfants, ou vous en avez parlé. Cette femme dont vous êtes amoureux, cette femme avec qui vous vouliez faire un long chemin, vous dit qu’avec elle, la possibilité d’être père n’existe peut-être pas.

 

Vous l’avez rencontré il y a deux jours ou trois ans. Vous avez pensé pendant des jours à cette déclaration-là. A déclarer votre défaut de fabrication. La marque distilbène, le sigle DES : à l’apposer sur votre ventre, qu’il caresse encore innocemment. Vous vous dites qu’il vous aime, qu’il ne vous quittera pas. Ou vous vous dites qu’il vous aime, mais qu’il vous quittera. Ou que s’il ne franchit pas ce cap-là, c’est que l’histoire n’en valait pas la peine. Dans tous les cas vous avez peur. Dans tous les cas, le distilbène est là, comme une troisième personne.

 

Vous en êtes à votre quatrième FIV. Vous vous masturbez devant des magazines, puis vous remettez le petit tube à une infirmière qui fait tellement la discrète que c’en est comique. Ou qui blague avec vous. Ou qui a d’autres chats à fouetter. Vous vous souvenez du jour où votre compagne vous a averti, où le mot distilbène est entré dans votre vie. Vous n’avez aucun regret. Ou vous avez envie de tout envoyer au diable. Vous ne savez plus si vous voulez un enfant. Vous préféreriez mourir que de ne pas avoir d’enfants. Vous en voulez à votre femme. Vous vous en voulez.

 

Vous avez honte de la taille ou de la forme de votre sexe.

 

Vous n’osez aborder aucune femme.

 

Vous n’osez aborder aucun homme.

 

 

*

 

Votre femme est allongée pour sa grossesse. Vous devez tout faire à la maison en plus de votre travail. Et elle est d’une humeur massacrante.

 

Vous êtes allongée depuis votre troisième mois de grossesse. Le cerclage qu’on vous a posée vous rassure mais vous fait encore souffrir malgré ce qu’on vous a promis, sans parler des pertes, normales paraît-il, mais gênantes. Vous n’avez pas le droit de vous lever pour vous doucher. Ou si vous l’avez, vous avez peur sous votre douche. Ou vous confondez l’eau qui coule le long de vos jambes avec une novelle catastrophe. Votre mari essaie de vous faire rire mais vous redoutez les contractions utérines. Même quand vous toussez, vous avez peur.

 

Vous êtes allongée depuis votre troisième mois de grossesse. La maison part à vau l’eau et ça vous obsède. Vous n’avez que ça à penser, ça ou le bébé, et le bébé, vous préférez ne pas trop y croire pour le moment. Vous rendez votre compagnon fou.

 

On vous dit futur père, ou future maman. On vous offre des vêtements de bébé.

 

Vous êtes allongée depuis votre troisième mois de grossesse. Votre belle-mère vous explique qu’être enceinte, ce n’est pas une maladie.

 

Vous êtes enceinte de trois mois. Votre obstétricien vous demande de vous allonger. Votre employeur ne veut rien entendre.

 

Vous êtes une fille DES et vous vous sentez coupable. Vous êtes un compagnon DES et vous vous sentez coupable. Vous êtes une mère DES et vous vous sentez coupable. Vous êtes un père DES et vous vous sentez coupable. Vous êtes un fils DES et vous vous sentez coupable.

 

Elle, mai 2003
Elle, mai 2003

 

 

 

Elle, mai 2003
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Elle, mai 2003
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2010